mardi, décembre 01, 2009

Leçon de vie

Ça fait longtemps que je voulais faire ce billet...

Pierre Foglia est sans doute l'un des chroniqueurs les plus intéressants de la Presse (Cyberpresse en ce qui me concerne). D'abord, il est l'un des rares journalistes qui peut discuter de sport, de littérature, de voyage avec la même pertinence. Il a également un don incroyable pour vous amener sur une piste et au dernier moment vous faire prendre un virage complètement inattendu. Bref, trop rare sont les journalistes de sa trempe.

Le texte qui suit est probablement un de ces plus beaux passages. Il fut publié le mercredi 20 août 2008 et tiré de l'article Le cul et la mort

Le grand plongeon

Un plongeon parfait est un plongeon difficile, mais si bien exécuté qu'il a l'air facile. Il en va du même principe dans tous les sports de représentation: gymnastique, nage synchro, patinage artistique. On pourrait dire qu'il en va de même dans les arts, les danseurs ne doivent pas avoir l'air de danser et les écrivains d'écrire.

La différence c'est que son œuvre exécutée, le plongeur, lui, disparaît. C'est la finalité finale de son geste: disparaître. En cela le plongeon est bien plus près de la vie. Je veux dire de la mort.

Tous les sports, tous les arts visent à la perfection. Le plongeon, en plus, nous dit ce qu'est la perfection : c'est disparaître sans laisser de trace.

C'est bien ce que je vous disais juste avant: le plongeon nous enseigne à mourir.

Quand on meurt, tout de suite après le grand plongeon, là où on arrive en s'ébrouant comme les plongeurs qui ressortent de l'eau, sept juges nous notent sur les pirouettes qu'on a faites dans la vie, et multiplient par le quotient de difficulté, très important le quotient de difficulté. Il fait toute la différence.

On est noté sur le splash, le remous, la broue qu'on laisse en sortant.

Une vie parfaite est celle qui ne fait pas de splash. Les plus humbles, les plus effacés, ceux-là qui auront traversé la vie comme un couteau entre dans l'eau sans faire de splash, ceux-là auront des 10.

vendredi, octobre 09, 2009

Boire de l’eau peut vous tuer!

J’ai reçu dernièrement une chaîne de lettre concernant un journaliste scientifique autrichien, Jane Burgermeister, traitant d'un vaste complot destiné à réduire la population mondiale grâce au vaccin contre la grippe A H1N1. Après le 2e paragraphe de ce texte de 28 pages, je me disais que cette histoire ne semblait pas tenir la route…

J’ai d’abord voulu répondre à l’ami qui m’a envoyé ce texte en lui expliquant en long et en large en quoi les propos tenus ne sont crédibles. Mais le texte étant assez long, de détruire chacun des arguments mis de l’avant aurait été non seulement long et fastidieux, mais d’un ennui sans nom.

J’ai pensé qu’il serait plus intéressant de vous faire une démonstration par l’absurde afin d’illustrer mon propos.

L’objectif de ce billet n’est pas de déterminer hors de tout doute que le fait que cette information est vraie ou non, mais plutôt que l’argumentaire est tellement poreuse que discrédite la thèse soulevée. Malheureusement, trop de gens qui reçoivent ce genre de courriel de leurs amis mettre leur esprit critique de côté et ne font que transmettre l’information à tous leurs amis, sans se demander si l’information transmise est crédible ou non. « Si mon ami me l’as envoyé, c’est sûrement vrai non? » doivent-ils se dire… Et bien non…

Voici donc un petit texte de mon cru qui s’inspire de ces chaînes de lettres apocalyptiques.

Boire de l’eau peut vous tuer!

Attention chers amis! Il est maintenant prouvé hors de tout doute que l’eau tue ceux qui en consomme. En effet, tous les humains qui ont un jour bu de l’eau sont morts!

Une étude du Dr Frankenstein du l’Université Harvard, récemment publié dans l’édition du mois de mars de la revue Sciences et vie, démontre en effet que tous les humains qui ont bu de l’eau sont décédés. Darwin en était venu à la même conclusion en 1866 mais le résultat de ses études a été brulé par le Vatican peu avant leur publication.

Greenpeace recommande qu’à partir de maintenant nous cessions de boire de l’eau. Buvez plutôt de la bière et invitez votre famille et vos amis à faire de même.

Vous devez donc nous aider à sauver la population mondiale de l’extinction! Svp envoyez à tous vos amis cette information de la plus grande importance, votre survie en dépend.

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Amusant n’est-ce pas? Vous aurez évidemment compris que ceci n’a aucun sens, que ce n’est pas parce que les gens boivent de l’eau qu’ils meurent! Pourtant, la plupart des chaînes de lettres envoyées par courriels contiennent des aberrations du genre, à la différence près que les sujets sont plus complexes. Or, peu importe la complexité du sujet traité, il est facile de prendre le recul nécessaire pour voir si l’argumentaire est sérieux ou non.

Voici donc les incohérences dans mon « article scientifique ».

1. L’hypothèse de base est un Syllogisme En effet, s’il est vrai que tout ceux qui ont bu de l’eau sont morts, ça ne veut pas dire que c’est l’eau qui a causé la mort de ces gens. En effet, tout le monde meurt un jour, peu importe le mode de vie. L’article fait un lien entre deux vérités qui n’ont aucun lien direct entre elles.

Voyez le raisonnement :

  • Les humains boivent de l’eau.
  • Les humains meurent.
  • L’eau tue les humains.

Ce genre de raisonnement est souvent simpliste mais présente une apparence de « gros bon sens » qui donne une certaine crédibilité.

À partir du moment que l’hypothèse de départ est fausse (l’eau tue les gens), évidemment la recommandation sera également fausse (remplacer l’eau par la bière).

2. Crédibilité des sources Dans la majorité des chaînes de lettres envoyés par courriels, souvent diverses sources sont citées (des noms de scientifiques, de publications reconnnues, etc.) Plus souvent qu’autrement, ces sources sont fausses et une petite recherche sur Google permet de détecter rapidement les faussetés. C’est un principe de base en journalisme de vérifier ses sources et la plupart d’entres vous le faites constamment dans votre vie quotidienne.

Évidemment, il n’y a pas de Dr Frankenstein à l’Université Harvard qui a publié cette étude et l’édition de mars de Sciences et vie ne traite pas du sujet. Mais vous êtes-vous donné la peine de vérifier? Et que dire de Greenpeace qui recommande de boire de la bière!

3. Sentiment d’urgence et de mobilisation

En faisant appel à nos bons sentiments, à notre gros bon sens ou en nous donnant un sentiment d’urgence, ce genre de texte vous incite à ne pas prendre le recul nécessaire pour évaluer sa crédibilité. En effet, le texte laissera sous-entendre que si vous ne faites pas ce qui est demandé, vous êtes faible ou idiot ou le prochain responsable d’une catastrophe planétaire. Bien sûr, tout ceci est faux.

Conclusion

Ceci n’est qu’un petit exemple pour illustrer comment, dans ce monde qui va de plus en plus vite, il est facile de se faire berner avec ces lettres, souvent envoyés par des amis qui sont dignes de confiance.

Or, une lecture attentive permet souvent de réaliser que les propos tenus n’ont aucune logique solide et donc, sont mensongers.

Développer l’esprit critique est essentiel dans un monde qui valorise autant l’information et la connaissance. En effet, ce n’est pas parce que c’est publié sur Internet que c’est vrai!

Pour en savoir plus