mercredi, décembre 14, 2016

Nations Unies : vice de fabrication 

Les nouvelles qui nous arrivent présentement de Syrie sont tous simplement atroces. Tout le monde s’émeut, avec raison, de la souffrance que vivent les civils là-bas et de l’inaction de la communauté internationale, de l’ONU en particulier. On oublie souvent que de par la mission initiale de l’ONU, son incapacité à réagir à ce genre de conflit est « normal ». Laissez-moi vous expliquer.

Une réponse à la 2e guerre mondiale

L’Organisation des Nations Unis a été fondée à la fin de la 2e guerre mondiale, dans le but d’éviter qu’une guerre similaire se reproduise. Et s’il y a bien eu quelques conflits d’importances dans les 70 dernières années (Corée, Viêt-Nam, etc.), force est d’admettre que l’ONU a réussi son pari de conserver une certaine paix mondiale. Pour ceux qui en doute, je vous invite à visionner la vidéo suivante.

Donc, le rôle de l’ONU est d’éviter les conflits ENTRE les pays. Or depuis quelques années, on assiste à une émergence des guerres civiles (ex-Yougoslavie, Rwanda, Syrie, etc.). Chaque fois, l’ONU semble impuissante devant ces massacres. Pourquoi?

Le principe fondamental sur lequel l’ONU est basé est la souveraineté de chaque état. Autrement dit, un pays ne peut en aucun cas être envahi par un autre pays. C’est ce qui fait que l’ONU a réagi très rapidement lors de l’invasion au Koweït ou suite aux attentats du 11 septembre, car il y avait une violation évidente de la souveraineté d’un pays.

Des problèmes éthiques importants

Indépendamment du niveau de souffrance des peuples, l’intervention de l’ONU pour régler un conflit interne est quelque chose d’extrêmement délicat. À travers le monde, nous avons une diversité de valeurs et d’opinion qui rendent presqu’impossible un consensus sur les balises à mettre en place pour encadrer les interventions.
  • À partir de combien de mort de civils doit-on intervenir?
  • Si l’Arabie Saoudite n’est pas d’accord avec la manière dont les femmes ici s’habillent, peuvent-ils demander à l’ONU d’intervenir?
  • L’ONU doit-il intervenir pour empêcher Donald Trump de devenir président?

C'est une démonstration par l'absurde bien entendu, simplement pour illustrer la complexité de tracer la ligne entre une intervention justifiée ou non. 

Après 70 ans de paix mondiale, l’ONU est prête à passer à la prochaine étape, soit la résolution des guerres internes. Mais c’est une question infiniment plus complexe qu’il n’y paraît. Sauf que la crédibilité de l’institution en dépend, car de plus en plus la population prend pour acquis que c’est le rôle de l'ONU de protéger les civils, peu importe le type de conflit.

jeudi, octobre 17, 2013

La charte des valeurs québécoises : tirer sur le messager?

Depuis l’annonce par le ministre Drainville sur son projet de charte des valeurs québécoises, je suis très préoccupé et troublé par la tournure du débat.

D’abord, une brève mise en contexte. Mon épouse est d’origine tibétaine et j’ai des collègues de travail de plusieurs origines ethniques, dont plusieurs Arabes. Personnellement, dans mon quotidien, je ne vois pas de problème et je ne comprends pas la pertinence de la démarche.

Voici quand même mes réflexions des dernières semaines à ce sujet.

On fait ça pour qui?

Comme je vous le disais, dans mon entourage immédiat, l’intégration des immigrants se fait bientôt bien. Quand le projet a été lancé, on a laissé sous-entendre que c’était pour régler un problème d’intégration à Montréal. Or, toute la classe politique montréalaise a fait front commun pour indiquer son opposition.

Tranquillement, il est devenu clair que l’objectif est d’en finir avec le port du voile, associé à la religion musulmane. Ça me pose deux problèmes que j’aimerais ajouter au débat.

La mauvaise cible

Partons de l’hypothèse (à mon avis grandement exagérée) que toutes les femmes portant le voile sous ses différentes déclinaisons sont soumises d’une manière ou d’une autre aux dictats d’un homme en position d’autorité : imam, mari, grand frère, peu importe. Partons du principe que ces hommes ont une conception sexiste des rapports hommes/femmes, en opposition avec les principes québécois de liberté et de justice sociale. En bref, ces femmes sont toutes des victimes.

La meilleure solution pour éradiquer le problème est d’interdire le voile? Really? Vous ne trouvez pas qu’on punit les victimes plutôt que les bourreaux? Et par la bande, nous allons punir les pratiquants des autres religions? Si le problème vient des hommes, qu’on s’attaque à ce problème non? Si on force les prisonniers à enlever leurs uniformes rayés, en faisons-nous des hommes libres? Cette logique ne tient pas la route du tout.

Pourquoi les faire entrer alors?

Gilbert Lavoie m’a devancé de quelques heures avec cet article, mais il apporte des chiffres que je n’avais pas.

Dans les dernières années, l’immigration québécoise a laissé entrer de nombreux africains du nord (Tunisie, Algérie, Maroc, etc.) et ce, pour d’excellentes raisons. En effet, la plupart sont francophones et bien scolarisés. En revanche (et ce n’est pas un défaut en soi), ils sont aussi pour la plupart musulmans. Bien que je sois convaincu que la plupart de ces immigrants ne demandent qu’à s’intégrer à la société québécoise, certains éléments plus « conservateurs » passent forcément dans les mailles du filet.

Il faut alors se poser la question, si les Québécois ne veulent pas de musulmans, ils devront faire d’autres compromis, comme de faire venir des gens qui ne parlent pas français. Alors, est-il préférable d’enseigner aux immigrants la langue française, ou l’égalité hommes/femmes? Plusieurs autres ethnies seraient ravies de s’installer ici…

En conclusion

Bien que je sois plutôt de confession apathéisme (je vais élaborer là-dessus très bientôt), mes nombreux voyages en Inde et le fait de côtoyer la communauté tibétaine m’ont fait réaliser qu’il est possible de s’épanouir à travers la religion.

Les Québécois ont vécu de nombreux abus par les institutions religieuses jusqu'à la révolution tranquille. Nous avons une désormais une aversion pour le fait religieux et nous prenons pour acquis que toutes les religions sont forcément mauvaises.

Or, dans plusieurs cultures, la religion est importante et c'est faux que l'on peut pratiquer sa religion uniquement à la maison ou au temple. C'est se leurrer que de penser qu'avec nous charte nous allons forcer une révolution tranquille à chacun des immigrants qui s'installent ici. Nous évaluons mal les conséquences que cela pourrait avoir et il reste de nombreuses questions sans réponses : 
  • Si la loi s'applique au secteur de la santé, est-ce que les patients vont pouvoir porter des signes religieux? 
  • Qu'en est-il du prête ou autre ministre de culte qui viendra donner les derniers rites dans les hôpitaux ou les CHSLD?
 Je vois difficilement comment nous pouvons respecter quelque chose que l’on ne connaît pas.

mardi, juillet 26, 2011

Le Sénat et la représentation des régions : différents enjeux, même solution?

Parmi les nombreux débats qui occupent la place publique, ils y en a deux qui ont récemment attiré mon attention. Ce ne sont pas les plus brûlants d’actualité, par contre l’issue de ces débats semble être dans une impasse et possèdent des caractéristiques communes.

La réforme du Sénat.
Stephen Harper parle depuis son arrivé au pouvoir de réformer le Sénat : membres élus, mandat revu, etc. Au Québec, on parle plutôt d’abolir l’institution, comme nous l’avons fait au niveau provincial depuis belle lurette.

La représentation des régions
Le Québec vit depuis plusieurs années une migration de sa population des régions rurales vers les grands pôles urbains. À un point tel que les comtés offre désormais une représentativité variable selon que l’on se trouve en banlieue de Montréal ou en Gaspésie. Cela crée une certaine injustice pour les comptés « surpeuplés ».

Le gouvernement Charest a proposé une réforme de la carte électorale qui prévoit l’abolition de comptés en région, au profil de nouvelles circonscriptions dans les régions plus peuplés. Avec raison, les régions rurales craignent une perte de pouvoir, d’autant plus que le territoire couvert est déjà très grand dans certains cas.

La représentation des régions
Notre démocratie a été établie sur le principe que chaque député doit représenter un nombre équivalent de citoyens. Il m’apparaît très dangereux de vouloir jouer avec cette prémisse de base au nom du pouvoir des régions.

La solution doit se trouver ailleurs.

La solution, le modèle américain?
Comme piste de solution, je vous propose de jeter un œil au sud de la frontière. Chez nos voisins américains, le Sénat est là justement pour offrir un contrepoids régional à la chambre des représentants. En effet, le Sénat compte deux sénateurs par état, peu importe sa population. Maine? 2 sénateurs. Californie? 2 sénateurs aussi. Ces sénateurs sont élus et ont comme rôle essentiellement d’approuver les projets de lois.

En d’autres mots, le Sénat est en quelque sorte le droit de véto des régions face à une chambre des représentants qui elle est en fonction d’un nombre similaire de citoyens.

Ce n’est pas l’institution du Sénat qui pose problème au Canada, mais l’utilisation que nous en avons fait avec les années. Il est grand temps de dépoussiérer l’institution pour la détacher du pouvoir exécutif (le Premier Ministre) et pourquoi pas la ramener au Québec pour régler une impasse dans le renouvellement de notre carte électorale?